Benjamin STORA

Certains reprochent à Benjamin Stora, né le 2 décembre 1950 à Constantine, d’être trop jeune pour maîtriser son sujet !

Jean-Jacques Jordi est né en septembre 1955 à Fort-de-l’Eau : on lui doit pourtant Un silence d'État : les disparus civils européens de la guerre d'Algérie en 2011

Guy Pervillé est né en 1948 … mais on pourrait lui reprocher de ne pas être né en Algérie !

Roger Vétillard est né en septembre 1944 à Sétif …

Non, personnellement, je vais m’attacher dans cette série d’articles à l’œuvre de B. Stora

Les quatre premiers ouvrages de Benjamin Stora ont pour sujet (fixation ?) « le nationalisme algérien » :

- Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, 1926-1954 en 1985

- Messali Hadj : pionnier du nationalisme algérien en 1986

- Nationalistes algériens et révolutionnaires français au temps du Front populaire en 1987

- Les sources du nationalisme algérien : parcours idéologiques, origine des acteurs en 1989

Sur plus de 40 ouvrages, il a aussi écrit en 1997 Appelés en guerre d’Algérie, en 2006 Juifs d’Algérie …  

Mais jamais sur les pieds-noirs ni sur les harkis ! Pourquoi ?

Il faut attendre 1991 pour que B. Stora livre son Histoire de l’Algérie coloniale 1830-1954 (éd. La Découverte collection Repères mai 1991)

Déjà, dès le titre, on voit le parti-pris de l’auteur :

Si l’Algérie était bien coloniale au début, elle devient département français en 1848, au même titre que la Corse, et bien avant la Savoie et Nice (1860)

Pour rappel, avant 1830, l’Algérie n’existait pas en tant qu’entité avec ses frontières actuelles : c’est la conquête française qui, paradoxalement, a unifié la régence ottomane d’Alger (une sorte de colonie de la Turquie créée en 1587) et lui a rajouté le Sahara. 

B. Stora dit lui-même p.6 « Ce pays ne se concevait pas au XIX^ème siècle comme espace unifié … » et « Le nationalisme indépendantiste créera la nation algérienne. »

Il eut donc été plus juste de titrer « Histoire de l’Algérie française de 1830 à 1954 » ou « Histoire de l’Algérie de 1830 à 1954 »

Introduction

P.6 « En s’opposant à une Europe conquérante au lourd passé, comment aurait-on pu rompre sans invoquer la longue tradition de l’islam, seule patrie de référence connue ? » 

1) Pourquoi parler d’Europe alors que la France était le seul opposant ?

A moins qu’il ne s’agisse d’un lapsus révélateur : en 1815, les principaux pays européens participent au congrès de Vienne où il est question, outre la redéfinition des frontières, de permettre la libre circulation navale et de mettre fin à la traite des esclaves.

Plusieurs pays européens bombardent Alger : les Etats-Unis en mai 1815, l’Angleterre en avril et août 1816 et en 1824.

2) Pourquoi employer « on », comme si l’auteur s’assimilait à ces opposants, plutôt que « ils » ?

3) Enfin parler de l’islam, qui est une religion et non un pays, comme « seule patrie » démontre encore que l’Algérie n’existait pas avant la conquête française mais aussi que la guerre d’indépendance était une guerre religieuse.

P.7 Outre le « en face » qui oppose d’emblée les indépendantistes aux pieds-noirs, plutôt que « à côté », l’auteur généralise en indiquant que les pieds-noirs viennent « de France ou du pourtour méditerranéen » : certes la majorité étaient Français, Espagnols, Italiens, Maltais, mais quid des Allemands, des Suisses ?

Les pieds-noirs « se refusent au melting-pot » : peut-être avec les « indigènes » mais pas entre eux.

« La négation de la citoyenneté pour les autres forgera leur nationalisme français exacerbé. »

Seuls quelques extrémistes, comme Drumont, niaient la citoyenneté aux indigènes, mais la plupart n’étaient pas pieds-noirs, lesquels n’étaient d’ailleurs pas encore français (Espagnols, Italiens …)

Enfin, si on excepte leur amour de la patrie qui se traduit notamment par leur participation aux différentes guerres (1870, 1914-1918, 1939-1945), on ne trouve guère de vrais nationalistes avant … novembre 1954 (UDCA et UFF de Poujade -métropolitain-, puis UFNA de Martel, USRAF, ORAF …), en réaction au terrorisme du FLN.

A suivre  

Comments

[Jean-Louis Mart.]

Mon Cher Eric, Ton remarquable essai d'Analyse de l'Œuvre de Benjamin Stora figure bien sur Internet mais n'est pas signé et ton nom n'apparaît pas. Rectifie STP car c'est vraiment dommage car tu as fait là un beau travail. Le lien : https://p3.storage.canalblog.com/37/82/702570/128270658.pdf