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Manifestation PN Harkis 2012
10 décembre 2011

le départ du Kairouan le 28 juin 1962

Serge Grossard dans L’Aurore du 28 juin 1962 :

« Quand le « Kairouan » s’ébranla

Sur la passerelle, nous apercevions le commandant Miaille qui donnait ses ordres. Il est séant de rendre hommage à ces hommes, qui, avec des moyens si mesurés, font quotidiennement des miracles. Le commandant Miaille n’expliquera jamais comment il a pu se procurer en une heure plusieurs centaines de chaises longues supplémentaires pour les 2100 réfugiés qu’il a conduits cette fois-là d’Alger à Marseille, battant les records de tous les bateaux de la ligne.

Nous étions entassés sur le pont avant. Je m’attendais à des pleurs, une manifestation de colère. Je m’attendais à les voir regarder les rivages d’Algérie jusqu’à leur effacement dans l’horizon du sud.

Mais rien. Accoudés au bastingage, ils restaient immobiles. Ils contemplaient l’écume.

Tous.

Il était là, Jacques Alliel, fils d’Emile Alliel, tué en 1959 par les fellaghas à Bougie, et neveu de Joseph Sadier, enlevé par des fellaghas sur la route de Vialar à Orléansville le 4 mai 1962 et disparu depuis. Il est riche de sa femme, de ses 4 enfants, de 12 valises et colis, et de 18.600 anciens francs.

Il y avait les Bitoun.

Il y avait Sauveur Safrani, magasinier à l’établissement régional du matériel. Il sauvait sa femme, ses 2 enfants, et une photo de son frère tué par les fellaghas le 27 mars 1962. Il avait 30.000 anciens francs.

Il y avait Guy Follaes, 58 ans, chauffeur à la Compagnie de Navigation Mixte, père de 7 enfants. Il a une cinquantaine de milliers d’anciens francs et ses permis de conduire.

Il y avait Jean Gaillot, 40 ans, huissier au Gouvernement Général à Alger, accompagné de son épouse et de 2 enfants. Il a quelques dizaines de milliers d’anciens francs et d’élogieux certificats.

Il y avait Ahmed Sabri, harki, né le 30 juillet 1918 à Saint-Arnaud. Il n’avait rien, celui-là. Ni un colis, ni un tricot de rechange, ni un sou. Il n’avait que sa Croix de guerre 39-45, sa Croix de la valeur militaire, les textes de ses citations, ses papiers d’identité, et un tatouage sur l’avant-bras droit, au bas d’une profonde blessure. Le tatouage disait : « Souvenir du 4-12-1944 »

Eux, parmi 2000 vaincus sans défaite.

Ils ont tous été pris en charge après leur débarquement à Marseille. Ils ne mourront pas de faim. Ce ne seront pas des épaves. Ils sont redescendus au bas de l’escalier, simplement.

Ils restaient silencieux, tandis que le « Kairouan » gagnait le large. Leurs yeux et leurs âmes ne se tournaient ni vers la métropole ni vers l’Algérie. Le paquebot labourait la Méditerranée à 24 nœuds de moyenne, et les réfugiés qu’il emmenait n’avaient pas plus de certitude, désormais, que ces mouettes qui voltigeaient autour des mâts.

Ils avaient les mains vides et le vide dans le cœur. Ils ne savaient plus où était leur haine, et où leur amour. Ils ne savaient plus où était la patrie. »

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Commentaires
R
Bonjour ! pour ce qui ne sont pas pieds-noirs et qui viendrez un jour à lire ce récit de notre exode et pour ne pas subir le cercueil ! tous nous avons fait la valise en laissant derrière nous plus de cent trente deux de ferveur française , et accueillit à l'époque comme des pariats , des moins que rien , des exploiteurs écétéra!!! Je suis fier de mes racines françaises d'algérie !
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Manifestation PN Harkis 2012
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