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Manifestation PN Harkis 2012
19 avril 2014

Pont du Chélif en 1853

Sources : les bagnes d’Afrique, histoire de la transportation de décembre par Charles Ribeyrolles, ex-rédacteur en chef de La Réforme 1853

 

Chapitre IX les derniers horizons

C’était par une belle et chaude journée de septembre, je m’acheminais lentement vers le lieu de ma destination. J’avais reçu l’ordre de me rendre au pont du Chélif (environ 27 km de Mostaganem) pour y remplir les fonctions de médecin de la colonie pénitentiaire, ou encore, des transportés politiques...

... Le village du Pont du Chélif est situé sur un versant de montagne s’étendant obliquement du nord-ouest à l’est, et présentant un plan légèrement incliné qui se termine au Chélif ; un des principaux fleuves de l’Algérie... L’inclination du plan dont je viens de parler n’est pas entière, c’est-à-dire qu’elle se trouve arrêtée brusquement par un rebord assez élevé, à 50 mètres du fleuve.

Le village est, de toutes parts, entouré de hautes montagnes appartenant, les unes au Dhara, les autres à la vallée même du Chélif. A 6 kilomètres environ, et sur la route du Dhara, on rencontre une forêt assez importante, composée de lentisques et de chênes verts.

Ce village n’est pas achevé ; il se compose dans ce moment de 50 maisons à peu près, placées à une distance inégale les unes des autres.

Les constructions qui doivent occuper la partie supérieure du plateau que j’ai indiqué n’ont pas encore été commencées.

Un fossé d’enceinte a été creusé par les transportés…

On n’a, jusqu’à présent, découvert aucune source, un seul puits a été creusé, et l’eau en est mauvaise et salée.

Les vents ordinaires sont ceux du nord-ouest, du nord-est, puis vient le sud-ouest.

Les orages sont fréquents : la brise de mer ne se fait sentir que vers les 2 ou 3 heures de l’après-midi. Les vents du nord-ouest soufflent parfois avec une grande impétuosité ; les chaleurs sont fortes, accablantes, difficiles à supporter ; l’air est pesant et humide.

Ces faits s’expliquent par la position même du village, bâti au fond d’un entonnoir.

L’eau du Chelif est mauvaise ; elle a mérité malheureusement, sous le rapport de ses effets nuisibles, une réputation très répandue dans la subdivision.

Saumâtre, d’un gris sale, abondamment chargée de matières terreuses et organiques, elle est lourde, pénible à l’estomac, d’une digestion très laborieuse, provoque la diarrhée, et contribue beaucoup, suivant moi, à la fréquence des fièvres d’accès qu’on observe dans le pays...

On rencontre, dans les environs, des carrières de marbre et un grand nombre de blocs de pierre blanchâtre, véritable albâtre avec lesquels les transportés ont construit des filtres ; plusieurs même en ont fait des ouvrages très curieux.

J’ai cru remarquer que ces filtres, tout en rendant l’eau plus limpide, lui communiquent cependant une saveur salée, désagréable, et une action purgative.

A 3 kilomètres du village, dans la direction de l’est, au-dessus du pont du Chélif, et dans le voisinage de Souk-el-Miton, se trouve un marais dont les exhalaisons sont apportées par les vents qui viennent de ce côté.

On sait qu’en Afrique les pluies tombent par torrents et pendant une période déterminée ; or le rebord du terrain dont j’ai parlé en commençant arrête l’écoulement des eaux, aucune saignée n’ayant été pratiquée. Ces eaux forment sur l’emplacement du village, autour de chaque maison, des mares, ou plutôt de véritables marais accidentels.

Les travaux récemment entrepris, les terrassements, les grands remuements de terre, en un mot, qui ont lieu, contribuent encore à l’insalubrité du village.

On ne rencontre aucune trace de végétation. Quelques jardins ont été essayés depuis peu…

Les maisons habitées par les transportés... sont convenablement distribuées et tenues proprement, mais elles sont toutes très humides. Couvertes en tuiles, toutes les précautions ont été prises pour les préserver d’inconvénients graves, mais il est fort difficile, on le conçoit, de conjurer certains périls qui résultent d’une position donnée.

Les transportés, au nombre de 317, sont arrivés au Pont du Chélif, le 10 mai 1852.

Ils ont été divisés en escouades de 20 hommes, commandées par un chef nommé par le gouverneur général. Chacune d’elles occupe une maison séparée, autant que possible.

Tous sont couchés sur des lits ordinaires de soldats, et convenablement couverts la nuit...

Ils sont nourris de la manière suivante : 750 grammes de pain de munition ; 250 grammes de pain de soupe ; 350 grammes de viande ; 12 grammes de riz ; ½ litre de vin ; 12 grammes de café ; 12 grammes de sucre.

Toute proportion gardée, les transportés sont aussi bien nourris que les soldats.

Les transportés, organisés militairement, travaillent 2 fois par jour, et tous les 2 jours, le matin à 6 heures, le soir à 2 heures. Ils ont achevé un fossé d’enceinte.

Du 16 mai au 20 novembre 1852, sur le chiffre de 317 transportés au Pont du Chélif, 120 ont été envoyés à l’hôpital.

C’est-à-dire que plus du tiers de l’effectif de la colonie a été atteint par les maladies en 6 mois !

Le nombre des exemptions à la chambre a été considérable parmi les tirailleurs indigènes de service dans le village, beaucoupont été attaqués de fièvres.

Presque tous les malades ont été atteints de fièvre paludéenne offrant la forme rémittente gastrique ; l’accès était quotidien, quelquefois double quotidien, très rarement tierce. …

… tous ceux qui ont été touchés en quelque sorte par l’intoxication marécageuse de la localité en ont conservé des traces telles qu’ils n’ont jamais pu entièrement se rétablir. D’emblée la cachexie les frappait de son cachet indélébile.

Maintenant, ce village réunit-il les conditions voulues de salubrité ? Peut-on lui présager un avenir favorable ? Je ne le pense pas.

Le rebord qui termine l’espèce de plateau sur lequel la colonie est placée, empêche l’écoulement des eaux pluviales qui, avec les détritus de toute espèce qu’elles rencontrent, forment des marais accidentels dont j’ai déjà signalé les effets délétères.

La position de ce village, son orientation, sa proximité d’un fleuve impétueux et débordant à la saison des pluies, boueux et infect quand il est à sec, enfin la mauvaise qualité des eaux, voilà les circonstances qui doivent, suivant moi, faire considérer cette localité comme insalubre.

Il ne me parait donc pas opportun d’achever la partie du village placée à l’extrémité supérieure du plateau.

Je crois que cette localité ne devrait être qu’un camp militaire propre à garder le pont, cette position d’une importance capitale. Des 317 transportés, arrivés le 10 mai 1852, il n’en reste aujourd’hui qu’environ 130 ou 150 ; un grand nombre ont été graciés.

Emile Cordier, Médecin de 1ère classe, en Algérie.

 

Au recensement de 1946, Pont du Chélif compte 3893 habitants … En 2008 moins de 7000, en faisant la commune la moins peuplée et ayant le plus faible taux de croissance de l’arrondissement de Mostaganem.

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Commentaires
C
jaime bien rentree en contacte avec les habitants du village avant 1962
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