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Manifestation PN Harkis 2012
27 avril 2013

les cigognes

On peut lire dans Rabat ou les heures marocaines (carnets de voyages) de Jean et Jérôme Tharaud (1919) :

« Je croyais qu’il n’y en avait qu’en Alsace ! Et je les trouve tout le long de cette côte marocaine, immobiles sur leurs longues pattes, avec leurs plumes blanches et noires, leur cou flexible et leur bec de corail qui fait un bruit de castagnettes … Je ne sais comment aucune image, aucun hasard de lecture ne m’avait préparé à les voir ici, ces cigognes. Et c’est pour moi un plaisir enfantin de rencontrer ces grands oiseaux, que j‘imaginais seulement sur les cheminées de chez nous. Avec le même air familier, la même attitude pensive qu’au sommet d’un clocher de Mulhouse ou de Colmar, elles se posent sur les murailles des vieilles petites cités maghrébines … 

Seuls, les graves oiseaux blancs et noirs animent ces kasbahs mystérieuses … Debout sur les créneaux en pointe, le bec tourné vers la mer ou vers le bled désolé, on dirait les sentinelles d’une vaste cité d’oiseaux ; et l’indigène accroupi … semble n’être que le gardien de ces nids fortifiés, l’esclave de ces hôtes aériens. »

 

une année dans le Sahel d’Eugène Fromentin (1925) :

« Une agréable nouvelle que je ne t’ai pas dite : les cigognes sont arrivées. J’ai vu l’autre jour leur premier courrier. C’était le matin de très bonne heure ; beaucoup de gens dormaient encore dans Blidah. Il venait du sud, porté par une légère brise, s’appuyant sans presque les mouvoir sur ses grandes ailes à l’extrémité noire, le corps suspendu entre elles « comme deux bannières » …

Je vis la cigogne, suivie de son escorte, descendre de la montagne et se diriger vers Bab-el-Sebt … Quand l’oiseau sacré passa sur leurs têtes, un des Arabes qui le vit étendit le bras, et dit en se levant tout droit : « Chouf el bel ardj, regarde voici la cigogne. »  Ils l’aperçurent tous aussitôt, et, comme un voyageur qui revient, ils la regardèrent en se répétant de l’un à l’autre « Chouft’ouchi ? l’as-tu vue ? » Longtemps l’oiseau parut hésiter, tantôt rasant les murs, tantôt s’élevant à de grandes hauteurs, les pieds allongés et tournant lentement la tête vers tous les horizons du pays retrouvé. Un moment il eut l’air de vouloir prendre terre ; mais le vent qui l’avait amené rebroussa ses ailes et l’emporta du côté du lac.

Les cigognes émigrèrent à l’automne pour ne revenir qu’au printemps. Elles se montrent rarement dans la plaine, et n’habitent jamais Alger. A Médéah, au contraire, et dans toutes les villes de la montagne, elles se réunissent en grand nombre. Constantine en est peuplée. Je connais peu de maisons dans cette ville, la plus africaine et la moins orientale de toutes les villes algériennes, je connais peu de toitures un peu hautes qui ne supportent un nid. Chaque mosquée a le sien, quand elle n’en a pas plusieurs. C’est une faveur pour une maison d’être choisie par les cigognes … elles portent bonheur à leurs hôtes. Il y a toute une fable qui les consacre et les protège : ce sont des tolba (pluriel de taleb), étudiant d’une école coranique) changés en oiseaux pour avoir mangé un jour de jeûne. Elles reprennent tous les ans leur forme humaine dans un pays inconnu et très éloigné, et quand, appuyés sur une patte, le cou renversé dans les épaules et la tête élevée vers le ciel, elles font avec un claquement de leur bec le bruit singulier de kuam … kuam … kuam, c’est qu’alors l’âme des tolba, toujours vivante en elles, se met en prière … »

 

Merci à Geneviève Oberdorff qui a écrit ce jour 27/04/2013 spécialement pour nous :

« Le bruit des castagnettes ! Oui, c'est ça et c'est ce que maman disait en parlant des cigognes.

Oiseaux migrateurs, Maman disait que lorsqu'elles arrivaient en Afrique du Nord, c'était le signe de l'hiver en métropole.

Pour la fille de pieds-noirs de l'est algérien que je suis, et surement parce que mes origines paternelles sont alsaciennes, les cigognes étaient assez présentes dans les familles, par exemple à Pâques, chez nous ce n'était pas les cloches qui passaient mais les cigognes qui déposaient les œufs dans les jardins. J'ai d'ailleurs gardé cette habitude et mes enfants aussi, ainsi que mes petits enfants pour Pâques, nous parlons de cigogne.

Je pense qu'elles avaient aussi un rôle plus ou moins symbolique, et on leur attribuait, peut-être à tort, des rôles qu'elles n'avaient surement pas. Comme par exemple celui de porter bonheur, ou de protéger les maisons sur lesquelles elles avaient construit leurs nids.

Pour retrouver mes racines, pour me plonger dans cette Alsace, terre de famille, je suis allée deux fois dans cette belle contrée.

Les cigognes y sont protégées, leurs nids sont "armés", parce que très lourds. Il nous est arrivé de voir plusieurs nids, comme par exemple à Turkheim ou à Munster, un bâtiment public était orné de 7 nids. »

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Commentaires
G
je viens juste de terminer LE MAROC de Jérome et Jean THARAUD (Flammarion)<br /> <br /> c'est un très beau texte que celui que vous avez proposé,merci<br /> <br /> je raconte l'histoire triste de notre cigogne ds mon 1èr livre
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M
Les cigognes..........de merveilleuses images au fond de moi, avec Papa qui m'emmenait dans les champs pour les admirer, et qui riait de bon cœur de me voir courir pour essayer de les attrapper !!!! ou qui arretait la voiture en disant :" regardez, Elles sont là " et on descendait pour les approcher , les yeux brillants, heureux.... simplement. Oui... de doux souvenirs , bien au chaud, en moi. Cet oiseau , que je trouve magnifique, croise ma vie, souvent par hasard, comme pour me dire :"n'oublie pas". Non, je ne risque pas d'oublier. Comment oublier le Bonheur ?
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