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Manifestation PN Harkis 2012
6 novembre 2012

A Milianah d'Alphonse Daudet 2ème partie

 Il y a beaucoup d’agents d’affaires en Algérie, presque autant que de sauterelles. Le métier est bon, paraît-il Dans tous les cas, il a cet avantage qu’on peut y entrer de plain-pied, sans examens, ni cautionnement, ni stage. Comme à Paris nous nous faisons hommes de lettres, on se fait agent d’affaires en Algérie. Il suffit pour cela de savoir un peu de français, d’espagnol, d’arabe, d’avoir toujours un code dans ses fontes, et sur toute chose le tempérament du métier.

 Les fonctions de l’agent sont très variées : tour à tour avocat, avoué, courtier, expert, interprète, teneur de livres, commissionnaire, écrivain public, c’est le maître Jacques de la colonie. … la colonie en a plus qu’il ne lui en faut. Rien qu’à Milianah, on les compte par douzaines. En général, pour éviter les frais de bureau, ces messieurs reçoivent leurs clients au café de la grand-place …

 En sortant du quartier juif, je passe devant la maison du bureau arabe. Du dehors, avec son chapeau d’ardoises et le drapeau français qui flotte dessus, on la prendrait pour une mairie de village.

 La cour qui précède  le bureau est encombrée d’Arabes …

… Un joli costume, ce costume d’interprète … Le costume est bleu de ciel avec des brandebourgs noirs et des boutons d’or qui reluisent. … le sergent du bureau arabe … avec sa tunique de drap fin et ses guêtres à boutons de nacre … ganté de blanc.

J’enfile une porte au hasard, et je tombe au milieu d’une nichée de bohémiens, empilés sous les arceaux d’une cour moresque. Cette cour tient à la mosquée de Milianah … on l’appelle la cour des pauvres.

Le théâtre de Milianah est un ancien magasin de fourrages, tant bien que mal déguisé en salle de spectacle. De gros quinquets, qu’on remplit d’huile pendant l’entracte, font l’office de lustres. … Tout autour de la salle, un long couloir, obscur, sans parquet …

 Je sors du théâtre … Au milieu de l’ombre qui m’environne, j’entends des cris dans un coin de la place … Quelques Maltais sans doute en train de s’expliquer à coups de couteau …

 Je reviens à l’hôtel, lentement, le long des remparts. D’adorables senteurs d’orangers et de thuyas montent de la plaine. L’air est doux, le ciel presque pur … Là-bas, au bout du chemin, se dresse un vieux fantôme de muraille, débris de quelque ancien temple. Ce mur est sacré ; tous les jours les femmes arabes viennent y suspendre des ex-voto, fragments de haîks et de foutas, longues tresses de cheveux roux liés par des fils d’argent, pans de burnous … Tout cela va flottant sous un mince rayon de lune, au souffle tiède de la nuit …

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