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Manifestation PN Harkis 2012
9 octobre 2010

traumatismes psychiques

Le 3 août 2010, sur Mediapart, un certain Robert Argeles rédigeait un article « au sujet des archives neuro-psychiatriques de la guerre d’Algérie » (étude de 1280 dossiers de l’hôpital militaire de Constantine de P. Lefebvre, L. Crocq, R. Sauvages, P. Bernot et A. Savelli tité à part EASSAT Médecine et Armées 1966) citant « les traumatismes psychiques de guerre » du Dr Louis Crocq aux éditions Odile Jacob 1999

« Rares, très rares, sont les études et documents portant sur les troubles neuropsychiatriques observés chez les militaires durant la Guerre d'Algérie. En 1962, alors que nous créions la FNACA  en Isère, nous avions eu écho du grand nombre d'anciens appelés internés à l'hôpital psychiatrique départemental ... Mais, secret médical oblige, nous n'avions pas pu explorer plus avant cette information ...

L'analyse statistique des hospitalisations effectuées dans le Service de Neuropsychiatrie de l'hôpital militaire de Constantine, entre le 1er  juillet 1958 et le 31 décembre 1962, montre que la majorité des hospitalisations est observée durant les mois d'été (de juin à septembre).

Dans la répartition des troubles en fonction des grades, des armes et des affectations (sédentaire ou combattant), on relève que les sous-officiers "paient un lourd tribu à l'éthylisme, psychotique, névrotique ou caractériel", que les officiers figurent parmi les psychoses éthyliques et parmi les névroses ("névroses de guerre", selon la classification utilisée).

Par armes, c'est l'armée de terre qui prédomine dans toutes les classes diagnostiquées.

Enfin, par affectation, la grande majorité des psychoses fonctionnelles  et du déséquilibre caractériel, appartiennent aux troupes combattantes, alors que les névroses et l'éthylisme sont le fait des affectations sédentaires.

L'étude examine ensuite les circonstances déclencheuses. On y relève la précocité (de l'ordre de 6 mois) pour certains troubles, de 10 mois pour les psychoses organiques. Et de 23 mois pour les psychoses alcooliques. D'après l'étude, le facteur "combat" proprement dit n'aurait joué que pour 20 % des cas.

Les auteurs, en extrapolant à partir de leur "lot" de 1280 dossiers, estiment finalement que le total de 8000 à 9000 hommes  pourraient représenter ce qu'ils appellent une "division perdue" pour le combat.

Bien que la maladie vedette soit l'alcoolisme, [...] beaucoup de cas rapportés sont des syndromes anxieux, hystériques ou psychosomatiques, entrant dans le cadre de la réaction émotionnelle aigüe ou de la névrose de guerre. Les symptômes constatés sont l'insomnie, l'agitation, les troubles de la relation à autrui, voire l'indiscipline comme signes d'alarme; et la baisse d'efficience, l'anxiété, l'asthénie, les troubles du sommeil et les ruminations mentales dépressives, comme signes de la phase d'état. Les études de distribution font apparaître des pics au moment des grandes opérations lancées en Algérie (Opération Jumelles etc...).

Une fois la guerre terminée, les bien portants s'en retournent égoïstement à leurs occupations et à leurs loisirs d'antan et laissent les rescapés traumatisés à leur solitude de leurs ruminations mentales. Le monde s'est refermé sur ces derniers, leur donnant à vivre cet abandon comme une "2ème mort" ou un "2ème trauma", écho du vécu d'absence de secours qui a marqué le trauma de guerre. Aussi n'est-il pas étonnant que certains rescapés et certaines victimes en veuillent plus à leur entourage et aux instances administratives qu'à leurs anciens ennemis

Les auteurs cités, à partir de leurs enquêtes et des extrapolations réalisées par la suite, (en recoupant avec d'autres conflits dont celui du Vietnam qui a donné lieu aux USA à des études très approfondies)  estiment qu'1 soldat sur 3 ou 4 a connu ou connaîtra des troubles psychiques, éphémères ou plus constants, précoces ou très retardés, dont certains se structureront sous forme de névrose ou autres troubles constitués.

"Car on sait maintenant que, plus discrètes mais pas moins douloureuses que les blessures physiques, les blessures psychiques causées par la guerre et ses moments critiques d'effroi et d'horreur sont aussi tenaces et invalidantes, obérant à jamais les existences familiales, professionnelles et sociales des victimes" traumatisées"…

Il suffit, pour s’en convaincre, de fréquenter des anciens combattants d’Algérie, de les faire parler, de les écouter et surtout de les entendre, pour comprendre que le problème demeure, enfoui, certes dans la masse des évènements qui interviennent chaque jour, dans la vitesse et la superficialité des informations quotidiennes. C’est bien toute une classe d’âge qui a souffert bien au-delà de la période de guerre et dont les survivants souffrent encore en silence. »

L’appelé, au cours de 29 mois (2 ans ½) de vie militaire, avait certes de nombreuses occasions de subir un traumatisme psychique.

Mais qu’en est-il d’un civil, qui peut être une femme ou un enfant, qui par définition n’est pas préparé à cela, qui a vécu 8 ans d'"évènements" et son lot de stroungas et de fusillades, de blessés, de morts et de disparus ?

Et sa période effectuée, le militaire rentrait dans ses foyers où l'attendaient parents, amis, fiancée …

Le pied-noir, lui, subit l'exode vers une France où souvent personne ne l'attend et où il est mal accueilli.

Selon des témoins, « avant de débarquer à Port-Vendres, un couple de vieux s'est suicidé en se jetant sur l'hélice. »

Les harkis, du moins ceux qui ont eu la chance de pouvoir rentrer en métropole, ont souvent vécu des traumatismes encore plus graves :

Selon K. D. Bouneb, « il y a parfois transmission des problèmes psychologiques aux générations suivantes. Parfois les enfants présentent des symptômes identiques à ceux de leurs parents comme s‘ils étaient imprégnés par un modèle blessé, c’est-à-dire par une image parentale défaillante. Les enfants doivent assumer l’héritage des hontes et des humiliations vécues par les parents. »

Les cellules psychologiques n’existaient malheureusement pas encore en 1962 … Auraient-elles existé, en auraient-on fait bénéficier les rapatriés d’Algérie, pieds-noirs et harkis ?

Le 8 mai 1842, le 1er accident grave de chemin de fer se produit sur la ligne Paris Montparnasse Versailles aux environs de Meudon : il fait 55 morts et de nombreux blessés.

Peu de temps après, on identifie la " névrose traumatique ".

Plus d’un siècle après, les cliniciens se sont attachés à définir les contours d'une psychiatrie de catastrophe.

Dans de nombreux travaux scientifiques datant pour les plus anciens des années 1970, des psychiatres militaires, emmenés par Crocq et Barrois, se sont attachés à développer la notion de traumatisme psychique en identifiant notamment de nombreux éléments le différenciant du stress.

Au lendemain de l'attentat terroriste à l'explosif perpétré le 25 juillet 1995 à la station de métro Saint-Michel à Paris, le Président de la République Jacques Chirac donne instruction au Secrétaire d'État chargé de l'Action Humanitaire d'Urgence Henri Emmanuelli de constituer un organisme approprié à la prise en charge de " blessés psychiques ". C'est ainsi que fut créée la " cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) pour les victimes d'attentats, de catastrophes et d'accidents collectifs ".

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Commentaires
A
J'ai bien lu votre contribution. Evidemment que les appelés et rappelés n'ont pas été les seuls à connaître des troubles psychiques persistant au fil des années... Et que les familles de pieds noirs ont certainement du en être aussi victimes, comme les populations civiles algériennes d'ailleurs.<br /> Le premier Congrès de psychiatrie franco-algérien de 1993 a parfaitement mis l'accent sur TOUS ces aspects. Ses conclusions figurent même sur mon site de Médiapart.<br /> L'aspect particulier des troubles psychiques observés chez les militaires français est qu'ils ont totalement été niés par l'Armée et par les pouvoirs publics: il n'a existé, contrairement aux USA avec les retours des guerres du Vietnam ou de Corée, aucune cellule d'écoute psychologique, aucune cellule de soins.<br /> Je vous fais quand même un petit reproche: mon article est beaucoup plus complet que la seule première partie que vous publiez et qui ne rend donc compte qu'imparfaitement de ma démarche. Pour le lire en entier allez sur:<br /> http://www.mediapart.fr/club/edition/les-sequelles-inconnues-de-la-guerre-dalgerie/article/100810/sur-les-troubles-psychique
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