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Manifestation PN Harkis 2012
30 août 2010

Montpellier : le courant passe

extrait du livre "le roman vrai de la Ve République" de Gilbert Guilleminault (Julliard 1980)

Il est une heure du matin. Me Delmas, le maire de Montpellier, dort. Le téléphone sonne et un dialogue s’engage.

- Monsieur le Maire, je suis le chef de gare et je suis envahi. Venez vite.

- Mais par qui ?

- Par les pieds-noirs.

- D’où viennent-ils ?

- De Marseille, on les a envoyés sur Perpignan.

- Eh bien, cela ne nous concerne pas.

- Si, des voitures il est descendu au moins 400 personnes. J’en ai dans les salles d’attente, le hall, le quai, ils débordent de partout ! De pauvres gens, des femmes, des enfants, des vieillards, des malades …

En pleine nuit, héberger, nourrir, soigner 400 personnes : un cauchemar.

- Ces gens-là, monsieur le Maire, ils sont perdus, on dirait qu’ils viennent d’échapper à un incendie. Il faut du lait pour les enfants. Il faut faire vite.

Me Delmas va aller très vite. Immédiatement il appelle les pompiers, alerte l’hôpital, fait joindre par son adjoint les responsables des services sociaux, des secours des différentes confessions religieuses. Pour le transport de ces gens, il décide de mobiliser les taxis, les services de cars ; pour leur hébergement il leur ouvrira un ancien lycée désaffecté. Les lits, les couvertures, l’armée y pourvoira. Cette rapidité, cette efficacité sont exemplaires.

Me Delmas ne se contente pas d’organiser, de donner des ordres ; ces gens, dont une partie va devenir ses administrés, il va les voir, sur le tas, dans la gare où la plupart sont descendus sans savoir où ils débarquaient, uniquement parce qu’ils n’en pouvaient plus.

Plus tard, au cours d’une interview, Me Delmas dira : « C’étaient des enfants perdus. Ces « Petits Blancs » n’étaient pas les « responsables » de cette affaire d’Algérie, mais les « victimes ».

« Une seule chose comptait, l’urgence de leur porter secours et j’ai improvisé. »

Toutes les municipalités ont improvisé, elles ne diffèrent que dans la pensée, l’efficacité, l’orientation qu’elles ont données à leur action.

« J’ai fait appel à la conscience de la population, poursuit Me Delmas. Ce n’était plus un problème politique mais un problème humain. Et j’ai été largement entendu, ce qui n’a pas toujours été facile car nombreux parmi nos concitoyens étaient ceux qui rendaient les rapatriés responsables des morts du contingent. Au début le climat était plutôt hostile. Seulement lorsque la population a pris conscience de leur dénuement et qu’elle a réalisé que ceux qui avaient débarqué ici n’étaient pas plus riches qu’eux, souvent beaucoup moins, le courant a passé, les mains se sont tendues. »

Mais déjà Me Delmas voyait plus loin. Jusqu’à la construction de cités pour les rapatriés, conçues pour eux architecturellement, des murs dans lesquels ils seront bien parce que le soleil s’y posera d’une certaine façon … un peu comme là-bas. Jusqu’à cet asile de « Camperiols » pour les vieillards, les couples isolés, les célibataires perdus. Une réussite.

Si des municipalités comme Perpignan, Montpellier, ont attaqué différemment le problème des rapatriés, ne se contentant pas de mettre en place des structures provisoires d’accueil, c’est qu’elles ont voulu conserver cette population chez elles. Considérant qu’elle pouvait, qu’elle devait, constituer une nouvelle richesse pour leur ville ; devenir les élément de base d’un programme d’extension.

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